„En Pologne, la déroute du parti au pouvoir”
La Croix

17 czerwca 2015

La Plate-forme civique, à la tête du pays depuis huit ans, est menacée par un scandale.

La Pologne est en plein paradoxe. Malgré d’excellents résultats macroéconomiques, la Plate-forme civique (PO), le parti libéral qui gouverne le pays depuis huit ans, a perdu l’élection présidentielle de mai face aux conservateurs. Et depuis, elle s’enlise dans une crise menaçant jusqu’à sa survie.

La PO se laisse rattraper par un scandale non désamorcé il y a un an. En juin 2014, la publication d’écoutes illégales, réalisées par des serveurs d’un restaurant en vogue, avait révélé le cynisme, l’arrogance et la grossièreté de hauts responsables de l’État.

Un an plus tard, la publication sur Internet de milliers d’actes de l’enquête – toujours en cours – revient frapper les libéraux. À quatre mois des législatives, les interrogations se multiplient sur l’incapacité de l’appareil d’État à empêcher cette fuite.

UN FOSSÉ ENTRE LES BÉNÉFICIAIRES DE L’EMBELLIE ÉCONOMIQUE ET LES LAISSÉS POUR COMPTE

Cherchant à préserver l’image de son parti, la Première ministre Ewa Kopacz a limogé trois ministres et poussé à la démission le président du Parlement, Radoslaw Sikorski. « Cela accentue l’impression du chaos », observe Eryk Mistewicz, expert en marketing politique.

Le départ de Donald Tusk, chef charismatique de la PO, devenu en décembre 2014 président du Conseil européen, a accéléré la chute de sa formation. « Il avait un flair extraordinaire, savait réagir immédiatement aux changements de l’opinion publique », souligne Eryk Mistewicz.

Ses successeurs n’ont pas remarqué le fossé se creusant entre les bénéficiaires de l’embellie économique et les laissés pour compte.« Beaucoup de jeunes, dont des scientifiques, ont été acculés à l’émigration économique », poursuit Eryk Mistewicz.

L’OMBRE DU « COLUCHE POLONAIS »

Le changement a été incarné par le chanteur de rock Pawel Kukiz. Débutant en politique, ce quinquagénaire traité par certains de « Coluche polonais » a récolté 20 % des suffrages au premier tour de l’élection présidentielle, avec la promesse de « rendre le pouvoir aux citoyens ».

Ce mouvement anti-système monte dans les sondages, dépassant la PO, et faisant de l’ombre à son traditionnel adversaire, Droit et justice (PiS) de l’ancien premier ministre Jaroslaw Kaczynski. « Si PiS ne gagne pas la majorité absolue aux élections d’octobre, Kukiz sera pour lui le seul partenaire possible, estime le politologue Stanislaw Mocek. Dans tous les cas de figure, la situation politique sera très instable. »

Magdalena Viatteau