Si je devais payer l’information

Pourquoi devrais-je dépenser de l’argent pour les informations, alors qu’il y en a déjà tant en libre service ?

Si je devais payer l’information, ce serait pour quelqu’un qui puisse m’orienter dans le chaos du monde de l’actualité. Je volerai avec lui au dessus des têtes des crocodiles qui souhaitent m’attirer vers les méandres de la désinformation.

Si je devais payer l’information, ce serait pour quelqu’un qui sait ce qui m’importe le plus, ce qui m’intéresse, et seulement ce qui attire mon attention. Pour tout le reste, je n’ai pas le temps. Si le créateur de l’application que j’achèterai scrutera mes mouvements sur la toile, les questions que je pose dans les moteurs de recherche, les textes que je lis, il saura très précisément (et bien mieux que moi même) ce qui m’intéresse.

Si je devais payer l’information, ce serait alors pour un système qui m’informerait sur ce qui est important, sur ce que les autres ne savent pas encore. Je payerai volontiers pour un système grâce auquel je pourrais améliorer ma position professionnelle,  gagner plus d’argent, et briller dans mon entourage.

Si je devais payer l’information, ce serait aussi pour la garantie que je ne puisse pas passer à côté des articles, messages, opinions, qui sont à mes yeux intéressants. De surcroit, il faudrait que ces articles là m’atteignent avant les autres. Cela est essentiel afin que je ne sois pas discrédité pour mon ignorance d’un sujet, ou que je ne fasse pas une mauvaise décision du fait d’un manque d’information.

Si je devais payer l’information, ce serait pour celle que je pourrais facilement partager avec les autres. Communiquer, débattre, et commenter sont des éléments clefs pour créer et maintenir d’importantes relations dans mon espace virtuel. Ce ne sont plus les journaux qui sont des médias de masse, ce sont les destinataires.

Si je devais payer l’information, il faudrait bien sûr qu’elle puisse m’atteindre partout et tout le temps. Je dois pouvoir être informé sans aller au kiosque ou au bureau, sans avoir à me connecter à une prise électrique, sans avoir à écrire des combinaisons compliquées quelque part. Et surtout sans avoir à porter quelque chose qui ne rentre ni dans ma poche, ni dans ma veste.

Si je devais payer l’information, ce ne serait aussi que pour des sources honnêtes, où information et commentaire sont clairement séparés. Je n’ai pas le temps pour de la propagande ou des Relations Publiques de bas niveau. Mes décisions, que ce soit au travail ou dans ma vie personnelle, doivent être basées sur des vérités. Un seul abus de ma confiance me suffira pour abandonner définitivement une source d’information, pour supprimer une application, pour arrêter de suivre, pour retirer de mes « favoris », pour éteindre le flux RSS. Ma réaction sera rapide, presque immédiate : « j’aime » ou « désolé, au revoir ».

Si je devais payer l’information, ce serait enfin pour des sources de référence. Ce serait pour les plus chers possibles, car le prix ne compte pas s’il garantie que l’application ou la « formule d’édition » me donne accès au meilleurs auteurs, sur lesquels je peux compter pour me guider dans le monde de l’information, et aux interprétations les plus pointues et aux opinions les plus recherchées. Le monde change si vite, que dans le tas d’information et de bruit, j’ai besoin d’être guidé.

Eryk Mistewicz

Ce texte a été publié en polonais dans le n°1/2013 du hebdomadaire „Do Rzeczy”