„Donald Tusk, un libéral conservateur”, Le Monde

22 octobre 2007 

lemondeVarsovie, correspondante

Cheveux châtains clairs, front large, léger zézaiement, toujours bonne allure, Donald Tusk, 50 ans, était, dimanche 21 octobre au soir, „l’homme le plus heureux de la terre”. La victoire de son parti (Plateforme civique, PO) aux législatives anticipées lui ouvre les portes du gouvernement.

Triomphant, le leader libéral revient pourtant de loin. Critiqué jusque dans son camp pour manquer de hargne, le chef de file libéral était sorti laminé de sa double défaite aux législatives et a` la présidentielle de 2005 face a` la droite conservatrice (Droit et Justice, PiS).

Cofondateur en 2001 de la PO, avec Andrzej Olechowski et Maciej Plazynski, aujourd’hui détachés du parti, Donald Tusk présidela formation depuis 2003. Originaire de Gdansk (nord), le berceau du syndicat Solidarnosc, le chef de file de la PO est un libéral convaincu, adversaire de l’Etat providence et interventionniste, partisan d’une place plus large aux initiatives de la société civile et des entrepreneurs.

Le libéralisme, il l’a paradoxalement appris sous le régime communisme, en pleine économie centralisée. „En 1983, nous avons fondé ensemble notre propre entreprise de peinture, Swietlik. Nous peignions des cheminées d’usine, des tours, des poteaux. Les contrats étaient choisis en fonction de leur rentabilité, nous gagnions pas mal d’argent. Nous étions l’économie de marché en plein communisme”, se rappelle son ami de 30 ans, le syndicaliste Jerzy Borowczak a` Gdansk.

„LEVER LE VOILE SUR LA POLOGNE COMMUNISTE” 

Donald Tusk entre en politique en initiant, a` la chute du communisme, un mouvement libéral qui se mue rapidement en parti, le Congre`s démocrate-libéral (KLD). Élu député en 1991, il essuie un premier échec aux législatives anticipées de 1993. Il se rapproche alors de l’Union démocratique (UD), formée dans l’héritage de Solidarnosc. De la fusion entre UD et KLD, naît l’Union pour la liberté (UW).

En 2000, parce qu’il perd la course a` la présidence du parti face a` Bronislaw Geremek, M. Tusk se sépare de l’UW, emmenant avec lui les libéraux issus de KLD, et cofonde la PO. „UW était un parti libéral, doté d’une sensibilité sociale, qui partageait avec le KLD l’attachement au principe du libéralisme dans le politique économique comme dans l’organisation de l’Etat. Par la suite, la PO a renforcé son aile conservatrice”, analyse aujourd’hui M. Geremek.

Contre la libéralisation de la loi anti-avortement, le parti est par ailleurs favorable a` la décommunisation du pays. „Il n’y aura pas de Pologne transparente sans lever le voile sur la Pologne communiste”, a récemment déclaré M. Tusk. Proche de Lech Walesa, „l’homme a` la moustache” qu’il n’a pas manqué de saluer dimanche au soir dans son discours de victoire, Donald Tusk revendique sa parenté avec les autres leaders du centre-droit européen, rattachés au Parti populaire européen (PPE).

Pressenti comme le futur premier ministre, M. Tusk devra surmonter sa principale faiblesse : „sa difficulté a` collaborer avec ceux qui ne partagent pas strictement ses idées”, analyse le consultant politique, Eryk Mistewicz. Ses vieux compagnons de route, comme Jan Rokita ou Andrzej Olechowski, ont fini par le quitter. „Aujourd’hui, M. Tusk est le leader incontesté en son parti, mais il n’a personne autour de lui pour s’adresser aux électorats autres que les entrepreneurs – comme les paysans ou les catholiques”.

Célia Chauffour